Une artiste chinoise censurée… à Paris
Le 13 février 2010 à 9h45 - Mis à jour le 15 février 2010 à 13h03
En France, il est interdit d’accrocher les mots “travailler”, “gagner” “plus” et “moins”, sur une façade. Comme a pu le constater, effarée, une jeune artiste chinoise, Siu Lan Ko, censurée alors qu’elle exposait ses slogans sur l’immeuble de l’école des Beaux-Arts, à Paris. C’est une blague ? Non.
C'est ironique, quand on est un artiste chinois, d'être censuré en
France pour subversion politique. Critiquer Hu Jintao à Pékin, c'est
possible. Mais Nicolas Sarkozy à Paris, ça non, c'est interdit.
L'artiste Siu Lan Ko, 33 ans, en a fait les frais hier matin. Son
installation a été décrochée en toute hâte de la façade des Beaux-Arts
de Paris à la demande de son directeur Henry-Claude Cousseau, alors
qu'elle était prévue depuis longtemps dans le cadre de l'exposition Week-end de sept jours.
L'œuvre a été jugée trop provocante. Attention, âmes sensibles, nous
allons en dévoiler le contenu : Siu Lan Ko a écrit (ô sacrilège) les
mots « Travailler », « Gagner », « Plus », « Moins », sur de
grandes banderoles noires. C'est tout ? Oui, c'est tout. Juste une
référence au slogan bien connu du président français. Son projet peut
sembler gratuit, or il est en totale cohérence avec sa démarche
artistique : Siu Lan Ko travaille sur les slogans, interroge leur sens,
les manipule et les détourne…
On l'avait rencontrée en septembre dernier, à Pékin. Découvrant une jeune artiste prometteuse,
performeuse engagée, se recouvrant de sang lors des commémorations de
Tian'anmen, faisant voyager dans le monde entier des performances
subtiles sur le sort des Tibétains – elle a longtemps travaillé au
Tibet pour des ONG. Une jeune femme passionnée par les signes, les
idéogrammes chinois, les slogans de propagande. Ce qui est paradoxal,
c'est qu'elle expose assez facilement à Pékin, où son talent est
reconnu, et son travail globalement toléré par les autorités.
Mais à Paris, niet. « Le directeur des Beaux-Arts a peur que ça lui cause des ennuis, et que ça nuise au financement public de l'école »,
explique Siu Lan Ko. Partenaire de l'expo, la commissaire Clare Carolin
(du prestigieux Royal College of Art de Londres) est furieuse. « Mon professionnalisme a été insulté », dit-elle (c'est elle qui avait choisi cette artiste).
« On m'a dit que le travail de Siu Lan Ko était trop explosif pour
rester in situ et que certains membres de l'école et des personnes du
ministère de l'Education s'en offusquaient déjà ». Le directeur
des Beaux-Arts a proposé de mettre les banderoles à l'intérieur, où
elles troubleraient moins l'espace public. Il se justifie comme il
peut, explique que Siu Lan Ko est une étudiante (ou plutôt une ancienne
étudiante, qui a passé, il est vrai, quelques semestres aux Beaux-Arts
de Paris) et qu'il faut encadrer son travail. La blague !
« Cet incident reflète bien le climat de peur politique dès qu'on
touche à Sarkozy en France, et à quel point la liberté d'expression est
bafouée dès que des intérêts économiques sont en jeu », constate
l'artiste. Venant d'une Chinoise, le coup fait mal. Elle dénonce un
geste d'autocensure de la part d'Henry-Claude Cousseau (à sa décharge,
il est encore poursuivi pour « diffusion d'images pornographiques de mineurs », à la suite d'une expo organisée en 2000 à Bordeaux sur l'art contemporain et l'enfance, on comprend qu'il soit échaudé).
Ebranlée par cette histoire, Siu Lan Ko demande simplement que son
œuvre soit raccrochée avant le vernissage de l'expo, samedi, et songe à
une action en justice si tel n'est pas le cas.
Siu Lan Ko, “Memory of air”
Siu Lan Ko, 33 ans, est une artiste chinoise incontournable. Ses
performances mêlent puissance poétique, force conceptuelle et
contestation politique. La voici dans une rue de Hongkong, le 4 juin
2006, traçant dans le vide les chiffres 6/4 (4 juin), date du massacre
du Tian'anmen.
Dans Libération , on apprend finalement que "l’œuvre de l’artiste chinoise Ko Siu- lan, 32 ans, détournant le fameux slogan du candidat Sarkozy «Travailler plus pour gagner plus», a été raccrochée, samedi en fin d’après-midi, sur la façade de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts (Paris), sur ordre du ministre de la culture"
CHEZ ÉTUDIANTS POUR UN TIBET LIBRE, NOUS DÉFENDONS
LA LIBERTÉ, EN CHINE OU PARTOUT AILLEURS. LA CENSURE DONT A ÉTÉ VICTIME
SIU LAN KO EST INACCEPTABLE, MÊME
SI ANNULÉE DEPUIS. A PARIS COMME A PÉKIN, NOUS VEILLERONS. QUE LES
ARTISTES CHINOIS ENGAGES, QU'ILS SOIENT CONTRE LE RÉGIME CHINOIS OU
CRITIQUES FACE A NOTRE GOUVERNEMENT REÇOIVENT NOTRE SOLIDARITÉ.
DROITS DE L'HOMME ET LIBERTÉ POUR TOUS ET TOUTES !
ÉTUDIANTS POUR UN TIBET LIBRE-SFT FRANCE.